Le C10 bénéfique dans un modèle in vitro d’Alzheimer

Jean-Philippe par Jean-Philippe Leclère le
  • Alzheimer C10

Une étude de l'Université de Copenhague parue en 2023 dans le journal Biomolecules révèle que l’acide décanoïque (C10), l'un des acides gras à chaîne moyenne de l'huile MCT, parvient à corriger une anomalie fonctionnelle dans des cellules de cerveau de souris atteintes d’un modèle expérimental de la maladie d’Alzheimer.

Bien que ces résultats soient encore limités à des observations in vitro, ils ouvrent des perspectives inédites dans la modulation métabolique du cerveau touché par cette maladie.

Des anomalies précoces de signalisation dans le cerveau Alzheimer

Les chercheurs ont travaillé sur des tranches hippocampiques, c’est-à-dire de fines sections de tissu cérébral découpées dans l’hippocampe — une région essentielle à la mémoire et à l’apprentissage . Ces tranches sont maintenues vivantes en laboratoire, ce qui permet d’observer en détail le comportement des cellules du cerveau, comme si elles étaient encore dans l'organisme, mais dans un environnement parfaitement contrôlé.

L’étude s’appuie sur des souris génétiquement modifiées pour développer très tôt des signes typiques de la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs se sont intéressés à deux types de cellules, les neurones et aux astrocytes.

  • les neurones, qui sont responsables de transmettre les signaux dans le cerveau,
  • les astrocytes, longtemps considérés comme des cellules de soutien, mais que l’on sait aujourd’hui impliqués dans la régulation de l’activité neuronale et la plasticité synaptique 1.

Dans ce modèle, les récepteurs AMPA — des canaux activés par le glutamate — déclenchent une réponse anormale liée au calcium intracellulaire, signe que la communication cellulaire est perturbée bien avant l’apparition massive de dépôts amyloïdes. 

Ce type d’anomalie dans la communication entre les cellules du cerveau est considéré comme l’un des premiers mécanismes contribuant aux troubles cognitifs que l’on observe dans la maladie d’Alzheimer. À long terme, cela perturbe le fonctionnement des circuits cérébraux impliqués dans la mémoire, l’apprentissage ou l’attention.

Le C10 restaure une signalisation calcique normale

L’apport d’acide décanoïque C10 directement sur ces tranches de cerveau a permis d’observer une normalisation complète des réponses calciques, aussi bien dans les neurones que dans les astrocytes. Ces effets correcteurs s’observent sans avoir besoin de conversion en corps cétoniques, ce qui indique une action directe sur les mécanismes de signalisation intracellulaire.

L’un des points clés de cette étude est l’action directe du C10 sur les récepteurs AMPA, un effet qui ne passe ni par son métabolisme énergétique, ni par la production de cétones, mais bien une action directe sur les récepteurs cellulaires spécifiques, appelés AMPA.

Les récepteurs AMPA sont des protéines situées à la surface des neurones et des astrocytes. Ils permettent à ces cellules de répondre au glutamate, un messager chimique majeur du cerveau. Lorsqu’ils sont activés, ils provoquent une entrée de calcium dans la cellule, un signal essentiel pour la transmission de l’information et la plasticité cérébrale. Dans le modèle Alzheimer étudié, cette réponse est anormale, signe que la communication cellulaire est altérée.

Le C10 est capable de moduler directement ces récepteurs AMPA. Ce mode d’action n’est pas nouveau : il a déjà été décrit dans un autre contexte, l’épilepsie, où le C10 réduit l’excitabilité neuronale via ces mêmes récepteurs 2.

Cette étude renforce l’idée que le C10 peut influencer le fonctionnement cérébral au-delà de son rôle énergétique, en interagissant avec des cibles précises de la signalisation neuronale.

Un effet prometteur… mais encore au stade expérimental

Les expériences ont été réalisées in vitro, sur des tranches de cerveau séparées de l'organisme. Cela signifie que les effets observés ne tiennent pas compte de l’environnement complexe d’un organisme vivant entier (flux hormonaux, circulation, barrière hémato-encéphalique…). Il reste donc à démontrer si les effets observés peuvent se reproduire in vivo, dans un contexte physiologique complet.

Ce type de recherches souligne l’intérêt croissant pour l’approche métabolique dans les maladies neurodégénératives, en particulier Alzheimer, où la résistance cérébrale à l’insuline, le stress oxydatif et les dérèglements synaptiques précèdent les pertes neuronales irréversibles.

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